

Que pensez-vous de la directive secret des affaires discutée au Parlement Européen et des impacts qu’elle aura sur l’accès à l’information des citoyens ? Allez-vous voter en faveur de ce texte ?
Madame,
Vous avez interpellé les députés européens à propos de la directive « Secret des affaires ». Nous vous remercions de votre vigilance sur les travaux du Parlement européen et vous félicitons du succès de la pétition que vous avez lancée. Une telle démarche fait vivre la démocratie européenne sur les grands sujets qui concernent l’ensemble des citoyens.
La délégation socialiste française partage totalement votre objectif : protéger les journalistes, leurs sources, les ONG et les lanceurs d’alerte, ainsi que l’information des citoyens.
Plutôt que de rejeter ce projet, les eurodéputé-e-s socialistes et radicaux sont mobilisés depuis le début pour en faire une directive de protection effective des journalistes et de leurs sources. En effet, nous savons qu’il y a encore en Europe des journalistes menacés, ainsi que leurs sources. Pensons à la Hongrie… ; c’est aussi avec leur situation en tête que nous menons notre travail de réécriture du texte.
Bien sûr, nous devons protéger l’innovation et le savoir-faire de nos entreprises : Airbus ou Michelin ne doivent pas pouvoir être espionnées par leurs concurrents, cela nul ne le conteste ! Mais les intérêts économiques, quand ils se matérialisent par des pratiques malhonnêtes et/ou contestables, ne doivent jamais primer sur l’intérêt général.
Les lanceurs d’alerte, les journalistes, les ONG ou encore les représentants du personnel doivent être protégés. Ils sont les gardes fous de la démocratie.
C’est le sens de notre engagement. Pour nous, la liberté d’expression doit l’emporter.
Lors du vote en commission parlementaire, nous avons arraché de nombreuses avancées et considérablement amélioré le texte proposé par la rapporteure Constance Le Grip (PPE-Les Républicains, FR), dont nous estimions la version initiale liberticide.
Nous avons obtenu la garantie d’une protection juridique pour tous ceux qui se battent pour révéler des pratiques contestables, ou illégales des entreprises.
Nous avons obtenu que la liberté et le pluralisme des médias soient exclus du champ de la directive et nous avons renforcé la protection des lanceurs d’alerte en faisant reconnaître que faire des révélations dans l’intérêt public était une chose légale. Ces améliorations constituent une avancée substantielle et une première victoire que nous voulons conforter lors des négociations avec le Conseil et la Commission.
Nous aurions souhaité aller plus loin, mais ne pas s’engager dans la négociation avec la droite revenait à la laisser gagner sur un texte plus dur, avec les droites extrêmes. C’est en responsabilité que nous nous sommes engagés dans le rapport de force.
Lors du vote final nous ferons le bilan des avancées et nous établirons en toute conscience notre position définitive sur un texte aussi crucial pour notre démocratie.
En parallèle, nous veillerons à ce que des propositions européennes concrètes pour la protection, notamment des lanceurs d’alerte, puissent figurer dans le rapport en cours d’élaboration par la commission spécial TAXE, créée au Parlement européen à la suite de l’affaire Luxleaks. Nous serons ravis de pouvoir travailler avec vous sur l’élaboration d’un statut protecteur des lanceurs d’alerte.
Nous restons à votre disposition pour tout échange que vous jugeriez opportun."
Pervenche Berès (présidente) de la Délégation socialiste française, Eric Andrieu, Guillaume Balas, Jean-Paul Denanot, Sylvie Guillaume, Louis-Joseph Manscour, Edouard Martin, Emmanuel Maurel, Gilles Pargneaux, Vincent Peillon, Christine Revault d'Allonnes-Bonnefoy, Virginie Rozière, Isabelle Thomas
Chère Madame Lucet,
Votre pétition a retenu toute mon attention, de même que les nombreux messages qui me sont parvenus à propos de la directive sur le secret des affaires.
Votre inquiétude était justifiée car le texte initial du projet était en effet trop flou, et risquait de restreindre la liberté d'information des journalistes et des lanceurs d'alerte.
C'est pourquoi j'ai proposé, au sein de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, des amendements destinés à clarifier ce texte.
La version finale du texte tient compte de mes efforts et de ceux de plusieurs collègues. Je l'ai donc votée en commission car elle concilie la protection du secret des affaires, utile à nos entreprises et en particulier à nos PME, avec le respect clairement exigé de la liberté d'information des journalistes et des lanceurs d'alerte.
Espérant avoir répondu à vos attentes, je vous prie de croire, chère Madame Lucet, en l'expression de ma sincère considération.
Gilles Lebreton, député FN au Parlement européen.
Bonjour,
Le 16 juin 2015, les écologistes ont été les seuls à voter contre le rapport de Constance Le Grip sur la directive secret d'affaires.
Les députés européens écologistes ont en effet considéré que ce texte demeurait dangereux pour les libertés fondamentales.
Sous couvert de protéger les entreprises, son caractère trop général, ses définitions trop floues et ses exceptions trop restreintes limiteront le droit à l'information, notamment pour les journalistes, les salariés et les consommateurs. S'inscrivant dans les logiques du traité transatlantique il accompagne, à rebours de la demande de transparence de la société, la volonté d'opacité de quelques grandes groupes. Après les scandales de la NSA et du Luxleaks, loin d'aider les lanceurs d'alerte, il contribuera à une logique générale qui consiste à faire peser la responsabilité sur celles et ceux qui ont le courage de dénoncer des activités illicites ou illégitimes, plutôt que celles et ceux qui en sont les auteurs.
Les quelques améliorations obtenues par la mobilisation, notamment en France, n'auront pas suffi à changer l'essence de cette proposition: faire du secret une règle générale et de la transparence une exception.
Multipliant les insécurités juridiques, ce texte in fine ne servira en rien les PME européennes, qui souffrent bien plus du manque d'investissement, de financement et de perspective d'avenir que d'un manque de protection de leurs secrets d'affaires.
L'ensemble de nos positionnements sur le sujet est disponible sur notre site http://europeecologie.eu/
Plusieurs d'entre nous ont récemment publié une tribune dénonçant le projet de directive sur le secret d’affaires et appelant à soutenir la démarche d'Elise LUCET :http://www.liberation.fr/debats/2015/06/15/le-secret-des-affaires-contre...
Cordialement
Madame,
Vous avez souhaité interroger les membres de la délégation française du groupe PPE au sujet de la directive dite de protection des "secrets d'affaires", et je tenais, en son nom, ainsi qu'en ma qualité de rapporteure du Parlement européen pour ce texte, à vous en remercier ainsi qu'à vous apporter les quelques éléments de réponse suivants.
Dans le contexte de concurrence mondiale exacerbée, tel que nous le connaissons aujourd'hui, les entreprises ont besoin de protéger leurs innovations, leurs savoir-faire, leurs "know how", que ce soit dans les relations entre entreprises, entre entreprises et fournisseurs ou sous-traitants, entre entreprises et universités ou laboratoires de recherche, la confidentialité des informations échangées, la protection du caractère secret de certaines étapes des processus de recherche et d’innovation, de certains savoir-faire, ayant une vraie valeur commerciale ou stratégique, revêtant la plupart du temps un aspect fondamental. La confiance dans les échanges d’informations, essentielle, ne peut naître que d’un contexte sûr et protecteur.
La proposition de directive relative aux savoir-faire et informations commerciales non-divulgués (dite "secrets d'affaires") publiée le 28 novembre 2013 à l'initiative de Michel BARNIER, Commissaire européen en charge à l'époque du Marché intérieur, des services et de la propriété intellectuelle, entend offrir aux entreprises européennes un socle juridique commun de protection, et les moyens de se défendre contre les appropriations illicites, alors que l'espionnage économique et industriel est devenu un sujet de préoccupation majeur.
En effet, les vols de savoir-faire innovants et autres « secrets d'affaires » ne cessent d'augmenter en Europe. Entre 2012 et 2013, on est passé de 18 à 25% des entreprises ayant fait l'objet d'au moins un cas de vol d'informations confidentielles. Ces atteintes ont des conséquences nuisibles multiples pour les entreprises : perte de chiffre d'affaires, frais d'enquête, augmentation des frais de protection, frais judiciaires, ... Ces appropriations et utilisations illicites ont surtout pour effet d’amoindrir la compétitivité de nos entreprises, et de nuire à la croissance et l'emploi
Après un long processus de consultation, de concertation et de travail en commun, mené avec les représentants des autres groupes politiques au Parlement européen, nous sommes arrivés à un résultat satisfaisant pour une très large majorité de députés de la commission des affaires juridiques (JURI), commission saisie au fond. Le rapport adopté en JURI le 16 juin dernier a pour objectif de mettre un terme à des pratiques nuisibles pour la compétitivité des entreprises européennes et donc pour l'emploi des citoyens européens, tout en protégeant de manière claire et ferme la liberté d’information et d’expression, la liberté de la presse et des médias, et en prenant en compte la nécessité de préserver la mobilité des professionnels en Europe.
Il est primordial dans ce débat de bien comprendre que la proposition de directive telle qu'amendée substantiellement par le Parlement avec des amendements en provenance de plusieurs groupes politiques, ne vise pas l'instauration de la « loi du silence » au bénéfice des entreprises devant laquelle devraient s'effacer les exigences légitimes de transparence et d'accès à l'information de nos concitoyens et des autorités publiques de surveillance et de régulation. Bien au contraire, notre position a été d'identifier certains comportements nuisibles et malhonnêtes pour que ceux-ci soient traqués et que leurs auteurs ne puissent en aucun cas bénéficier d'une information indûment obtenue ou utilisée pour acquérir un avantage compétitif déloyal et miner de la sorte leurs concurrents.
Dans le même temps, j'ai personnellement veillé à ce que la commission JURI renforce les garanties à la liberté d'expression et à la bonne information du public en explicitant que la directive ne saurait affecter la liberté de la presse et des médias (écrit dans l’article 1), ainsi qu'en alignant les standards d'exception pour la liberté d'expression et d'information sur ceux de la Charte des Droits fondamentaux (écrit dans l’article 4). Par ailleurs, les sources de ces mêmes journalistes voient également leur protection étendue grâce aux amendements des députés européens, afin qu’il n’y ait pas d’obstacle à la circulation de l'information d'intérêt public au sein de la société.
Au final, le 16 juin dernier, 19 députés de la commission JURI sur 24, parmi lesquels on trouvait les représentants des 4 plus grandes forces de l'échiquier politique européen (le PPE, les Socialistes, les Conservateurs et les Libéraux), se sont prononcés en faveur du rapport que je leur soumettais. Ce soutien très large témoigne de l'esprit de compromis et de consensus constructif qui nous a animés tout au long de la négociation, et je ne peux que me réjouir d'un tel résultat.
Sous réserve du maintien de ce large consensus et de cet équilibre, la délégation française du groupe PPE se positionnera toujours et de manière résolue en faveur d'une directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non-divulgués. Alors que les négociations interinstitutionnelles (dits « trilogue ») avec le Conseil et la Commission européenne viennent seulement de débuter, il reviendra à l'équipe de négociation du Parlement européen, sous ma conduite, de faire preuve de vigilance et de détermination pour que l'équilibre entre protection des intérêts économiques et droit à l'information soit maintenu.
Bien cordialement,
Constance LE GRIP